Tout au fond des montagnes, la nuit,
Seul dans mon ermitage,
J’écoute le son plaintif
De la pluie et de la neige.
Un singe pleure au sommet d’une montagne
Le son de la rivière dans la vallée s’est évanoui
Une lumière clignote devant ma fenêtre.
Sur le bureau : l’eau de l’encrier asséché.
Incapable de dormir toute la nuit,
Je prépare l’encre et le pinceau et écris ce poème.
La pluie a cessé, les nuages ont disparu
Et le temps limpide à nouveau.
Si votre cœur est pur,
Alors toutes choses de votre monde sont pures.
Abandonnez ce monde fugitif, abandonnez-vous,
Alors la lune et les fleurs vous guideront sur la Voie.

Ryōkan Taigu (1758-1831) était un moine et ermite, poète et calligraphe japonais. Plus connu sous son seul prénom de moine Ryōkan ( 良寛, Ryōkan, signifiant Grand-Cœur), il est l'une des grandes figures du bouddhisme zen de la fin de la période Edo. Au Japon, sa douceur et sa simplicité ont fait de lui un personnage légendaire.

Sa vie d'ermite est souvent la matière de ses poèmes. Un soir que sa cabane a été dépouillée de ses maigres biens, il compose ce qui deviendra son haïku le plus connu :

Le voleur parti

n'a oublié qu'une chose –

la lune à la fenêtre.

Le bonheur c’est l’art de faire un bouquet

avec les fleurs qui sont à notre portée.

(Christian Bobin)

... surnommé la Jeep des airs !

Belle façon de survoler la France, vous allez voir en cliquant > ici et un conseil : mettez en "PLEIN ECRAN" !

Un chien

L’autre jour, dans un quartier que je n’avais pas fréquenté depuis longtemps, je remarquai un homme assis à la terrasse d’un café. Il m’avait frappé autrefois par son air taciturne et renfrogné. Il passait dans la rue comme enveloppé dans une atmosphère bougonne, le nez collé au sol, ne regardant âme qui vive et adressant encore moins la parole à son voisin. Je fus étonné de le voir accompagné d’un chien noir à qui il ”parlait”.

Il dut me reconnaître, quoique j’aie toujours eu l’impression qu’il ne me voyait pas, ni aucun autre passant. Chose extraordinaire, il me sourit et me demanda de venir m’asseoir à sa table pour me présenter son chien et me louer les bienfaits de sa présence. Ce qui fait honneur à l’âme des chiens, ce sont les dévouements qu’ils suscitent. Je connais des gens tout à fait haïssables, méchants, rancuniers, égoïstes, et voilà qu’on les rencontre un jour dans la salle d’attente d’un vétérinaire. Ils ont à leurs pieds un chien malade qu’ils comblent de soins attentifs et tendres paroles tout en laissant courir leurs doigts sous le poil ébouriffé. Ce ne sont plus les mêmes personnes; on s’aperçoit qu’elles ont aussi un coeur et qu’elles sont capables d’aimer et de se faire du souci pour autrui.

A travers leur chien, elles redeviennent des êtres vivants et ouverts, que l’on se plaît à découvrir, comme ce monsieur que je pensais n’être qu’un automate taciturne qui ne savait que regarder le sol. A ma grande surprise, il commanda d’autorité un verre à mon intention et se lança dans un discours élogieux sur les chiens.

”Monsieur, un chien, c’est la joie dans la maison ! Je m’en rends bien compte depuis que j’en possède un. Jamais ma vie et mon logis n’ont été si gais. Ce lutin noir à quatre pattes qui abîme les tapis et me fait perdre mon temps vaut un trésor. 

Quand je rentre, il se livre à toutes sortes de folies. Il remue la queue avec enthousiasme, il me saute dessus, part à fond de train dans la pièce, revient, exécute un véritable ballet à la gloire de nos retrouvailles comme nul homme ou femme ne saurait le faire. Aucun tracas ne résiste à ces démonstrations. C’est l’amitié à l’état pur. Quel poète lyrique saura jamais chanter sans niaiserie l’infinie bonté des chiens, cette bonté rugueuse qui ne raisonne pas, qui ne juge pas ; qui encombre un peu, certes, mais dont on ne se lasse jamais ?

Avoir un chien, c’est se réduire volontairement en esclavage. Il faut s’occuper de lui, le sortir en promenade, courir, être là, à sa disposition ... mais cela n’a pas beaucoup d’importance, le chien nous rend mille fois notre peine. Voyez le plaisir que j’ai à en parler, moi qui autrefois ne parlais à personne. Il m’a changé. Les gens à chiens sont des sages, ils gagnent sur deux tableaux : non seulement ils ont la possibilité de dialoguer avec leur chien, mais ils peuvent aussi parler de leur chien à autrui !

On se moque volontiers des ”mémères à toutous”, qui tiennent d’interminables conversations à leurs compagnons. Depuis que j’ai un chien, cela ne me semble plus ridicule. Je lui parle sans cesse, moi aussi, dans un langage particulier, plein de mots d’amitié, de mots sucrés, de compliments comme je n’en fais à personne. Ce n’est pas un monologue, comme le croient les coeurs secs, mais bien un dialogue. L’interlocuteur répond par un battement de queue, avec ses yeux qui reflètent une attention passionnée, avec sa tête qu’il incline et ses oreilles attentives qui se dressent.

Ceux qui aiment trop les bêtes n’aiment pas les hommes ! Grande sottise ! C’est comme affirmer que celui qui aime les cerises n’aime pas les pommes ! Pourquoi l’affection portée à un chien empêcherait-elle de goûter aux discours de son prochain ?

Le financier des Fables de la Fontaine, miné par l’insomnie, si soucieux et si triste à cause de ses affaires et de sa fortune, a une bien drôle d’idée quand il va proposer un sac d’or à son voisin le savetier chanteur. Ce n’est pas ainsi qu’on achète la bonne humeur. A sa place, je me serais rendu à un chenil et j’y aurais choisi un chien que j’aurais ramené chez moi, comme je l’ai fait. Je l’aurais installé sur mon plus beau divan. Une patte qui se pose sur votre genou, une langue qui lèche votre joue et un regard qui perce votre âme, cela remet admirablement le monde à sa juste place, et l’on cesse d’accorder de l’importance à ce qui n’en a pas.”

(Pierre Challandes)